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Gualtiero Dazzi
Noche Oscura (2015)
Madrigale Amoroso
Pour Quatuor Vocal Féminin, Euphone, Cristal basse et neuf bols chantants tibétains
Commande de l’Ensemble Hope et de l’Ensemble vocal Méliades
D’après le poème éponyme de Jean de la Croix
Lorsque Marc-Antoine Millon m’a proposé de participer au projet de concert Chants de l’âme, Musiques sacrées du XXI siècle, avec une création destinée au quatuor vocal Méliades et à l’ensemble Hope, j’ai de suite voulu retrouver la poésie de Jean de la Croix que j’avais déjà côtoyé en 2013, avec quelques passages de son Cantique Spirituel, lors de la composition de mon projet Montagne sacrée – Passeurs de chant.
Pour ce nouveau projet, j’ai entrepris de m’approcher, avec mes modestes moyens de compositeur du XXIe siècle, aux hautes incandescences de cette nuit obscure, première des deux « Chansons de l’âme » qui, « par sa densité et son unité est sans doute le chef d’œuvre de Jean de la Croix » . Le poème, « composé à la fin de 1578, peu de temps après l’évasion de la prison de Tolède où il avait été enfermé dans des conditions inhumaines par les Carmes mitigés, hostiles à la rigueur de l’ordre des « déchaux » qu’il avait fondé » , est l’un des sommets de la poésie espagnole du XVIe/XVIIe siècle et, au delà de son contenu mystique, s’inscrit magistralement dans l’héritage de la poésie d’amour depuis le trobar occitan du XIIIe siècle.
L’écriture vocale du madrigal amoroso que j’ai composé, prend sa source dans la versification par cinq vers, trois heptasyllabes et deux hendécasyllabes alternés, ainsi que dans l’assonance produite dans chaque strophe, par l’impressionnante insistance de la même voyelle aussi bien à la rime que dans le corps du texte.
La présence de quatre chanteuses - qui peuvent aussi chanter en solistes face au reste du groupe - me permet de superposer une écriture monodique à une écriture verticale et de juxtaposer des passages polyphoniques aux passages mélodiques, dans lesquels chaque voix s’approprie à tour de rôle le « moi » qui parle ici et qui est donc féminin.
C’est ma première rencontre avec le Cristal Bachet et le Titanium Euphone. Après une période de « repérage » chez Marc-Antoine Million et une résidence avec les chanteuses de Méliades et l’Ensemble Hope une fois commencé le travail de composition, j’ai pu ressentir comment l’univers harmonique qui m’est propre pouvait être « transposé » dans une écriture idiomatique, spécifiquement conçue pour le Cristal Bachet et le Titanium Euphone et comment cela allait pouvoir se conjuguer avec l’écriture vocale. La particularité du comportement acoustique de tout le corps résonnant de l’instrument, totalement inouï au sens propre du terme dans certains agrégats, m’a complètement séduit. Il y a là un sens dramaturgique profond qui traduit parfaitement le chemin décrit par le poème : sortir de soi par une nuit obscure et trouver la flamme de l’amour et l’apaisement après la rencontre avec l’aimé.
Une dernière particularité de ce madrigal mystique est l’emploi de neuf bols tibétains qui confèrent à l’ensemble une couleur rituelle très particulière, mariant les échos du cristal aux sons tenus des voix cristallines et aux vibrations profondes, nocturnes, des métaux résonnants.
Noche oscura est dédié à ma compagne Elisabeth, amado con amada – amada en el amado transformada.
Enregistrement de la création par le quatuor vocal Méliades et l'Ensemble Hope - Abbaye de Noirlac octobre 2015
- Genre
- vocale