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Gualtiero Dazzi
Icnocuicatl
(1994)
Chant triste sur un poème de Cuacuauhtzin (ca.1390-1443)
pour Mezzo-soprano et ensemble
Commande de l'Etat
Enregistrement effectué à Paris, Conservatoire d'Art Dramatique
Sylvia Vadimova, Ensemble TM+, dir. Laurent Cuniot
Cuacuauhtzin, seigneur de Tepechpan, accéda au trône en 1431; ayant décidé de se marier, il obtint en 1440 de recevoir en son palais la princesse Azcalxochitzin*, une jeune femme appartenante à la noblesse aztèque, née approximativement en 1428, qu'il avait choisie pour épouse. Cette dernière étant encore très jeune, il décida d'attendre avant de consommer les noces. Comme
Cuacuauhtzin était déjà vieux, il mettait tous ses espoirs de bonheur dans cette union. Mais la jeune princesse, plus que la source de sa félicité, allait être celle de son infortune et même de sa mort.
Nezahualcoyotl, roi de Tezcoco, était son souverain. Un jour où il se promenait seul sur les rives du lac de Tezcoco en proie à la tristesse et à la mélancolie, Cuacuauhtzin le rencontra et l'invita à dîner dans son palais. Pour honorer davantage son hôte, il souhaita que sa promise, servît elle-même le repas. Nezahualcoyotl apercevant la princesse se laissa séduire par sa grâce et son
charme, et toute mélancolie le quitta.
Peu de temps après, Cuacuauhtzin reçut l'ordre d'aller combattre dans une guerre contre le royaume ennemi de Tlaxcala. Deux capitaines avaient pour mission de l'exposer dans l'endroit le plus dangereux afin qu'il fût tué pendant la bataille. Cuacuauhtzin se rendit compte du sort qui l'attendait mais, fidèle à son souverain et ami il exécuta ses ordres, même si cela signifiait aller à la rencontre de la mort.
En plus de seigneur de Tepechpan, Cuacuauhtzin était poète, et c'est grâce à cela qu'il a pu nous laisser un témoignage de son désarroi. Ainsi pour connaître cet épisode, mis à part les commentaires des différents chroniqueurs, nous avons les transcriptions des chants tristes qu'il composa et entonna lors du banquet qu'il offrit à ses parents et amis.
Le poème qui constitue le texte de cet Icnocuicatl, chanté en Nahuatl, en fait partie.
Icnocuicatl :
Mon coeur ne désire que des fleurs,
oh ! qu’elles demeurent dans mes mains !
Je ne sais chanter que mon vain savoir,
seul, je tente désespérément de chanter
sur la terre.
Moi, Cuacuauhtzin,
je les désire ces fleurs,
oh ! qu’elles demeurent dans mes mains !
oh ! je ne sais donc rien !
Où, en vérité, devrons-nous partir
pour ne jamais mourir ?
Si, tout simplement, j’étais un jade précieux,
si j’étais de l’or,
tout simplement, alors je serais fondu,
je serais réduit en poudre dans le mortier.
Je n’ai que mon coeur qui me donne la vie,
moi, Cuacuauhtzin,
tout simplement je ne sais donc rien !
Ton tambour en jade précieux,
ton oiseau de turquoise et de feu qui chante,
ainsi, voici que tu vas les faire résonner,
seul, oh ! toi, Yoyontzin !
Réjouissez-vous donc, mais pour peu de temps.
Venez donc, venez vous montrer,
vous, dont le coeur est malade.
Voilà qu’est arrivé,
voilà que se dresse le chanteur !
Puisse ton coeur s’ouvrir
puisse ton coeur s’élever,
toi, qui me hais,
toi, qui veux ma mort.
Mais me voici partir chez Lui,
j m’en vais disparaître.
Peut-être, il se peut qu’à cette occasion,
qu’à cause de moi tu pleures,
qu’à cause de moi tu souffres,
seul, toi, mon ami,
mais, seul, moi, je pars.,
seul, moi, je pars chez Lui.
Oh ! Jamais je ne le fais au printemps,
ici je ne suis qu’un malheureux,
ici je ne suis que moi, Cuacuauhtzin !
Ne jouirons-nous jamais de l’harmonie,
ne saurons-nous jamais ce qu’est la joie,
nos amis ?
C’est alors que je saisirai ces belles fleurs,
ces beaux chants !
- Genre
- voix et ensemble